Contexte des négociations sur la facilitation des échanges
La question de la facilitation des échanges est un nouveau domaine pour les textes juridiques de l’OMC. Elle a été évoquée pour la première fois à l’occasion de la conférence ministérielle de Singapour en 1996puis intégrée dans le Cycle des négociations de Doha en 2001 et 2004. Des arguments économiques et réglementaires sous-tendent la démarche des Membres de l’OMC visant à élaborer un nouvel ensemble de règles mondiales sur la facilitation des échanges. La facilitation des échanges a pris de l’importance dans un contexte de mutations structurelles du commerce et dans une intégration plus profonde du système commercial multilatéral. Les Membres de l’OMC ont du reste cherché à combler des lacunes apparentes au niveau du cadre réglementaire en place et du système de coopération internationale dans le domaine de la facilitation des échanges.
Modification de la structure des échanges
C’est dans les années 90 que la question de la facilitation du commerce a gagné en importance dans les activités de l’OMC. Poussés par la libéralisation des échanges et la réduction des droits de douane obtenue par le GATT et d’autres réformes économiques dans les années 80 et 90, les flux commerciaux ont considérablement augmenté (voir graphique ci-dessous) et se sont mondialisés avec l’intégration de nombreux pays en développement dans les réseaux de production.
Dès lors que les niveaux tarifaires et les systèmes de contingents n’étaient plus perçus comme le principal obstacle au commerce, l’attention s’est portée sur les mesures non tarifaires et les politiques nationales ayant une incidence sur le commerce international.
Contrôles aux frontières, procédures administratives et exigences documentaires sont autant d’exemples de ces obstacles non tarifaires. Ils peuvent occasionner des retards importants et entraîner des coûts pour les entreprises à travers le monde. Avec l’émergence des chaînes de valeur mondialisées et la sous-traitance de la production entre les pays, les chaînes d’approvisionnement sont devenues plus sensibles à l’efficacité, à la fiabilité, au mouvement rapide des marchandises et des renseignements à travers les frontières internationales. Les coûts et les délais des procédures administratives sont ainsi devenus plus visibles et plus vitaux pour l’intégration des pays dans les échanges commerciaux internationaux.
Dans ce contexte, plusieurs Membres de l’OMC, y compris la CEE et le Japon (*1), ont plaidé avec insistance en faveur de l’inclusion de la facilitation des échanges dans le travail de l’OMC.
Combler les lacunes dans le cadre réglementaire existant et les travaux des organisations internationales
Le système juridique du GATT de 1947 ne traitait pas de manière adéquate les obstacles qui influent sur les opérations de dédouanement et sur d’autres formalités liées aux échanges. En outre, même s’il existait d’autres accords et instruments relatifs à la facilitation des échanges vers le milieu des années 90, ceux-ci n’abordaient que certains aspects partiels de la question, ils ne représentaient pas les membres du monde entier et il leur manquait un mécanisme d’application. Des accords sur la facilitation des échanges existent en fait dans le cadre de l’OMD, l’IATA, la CEE-ONU et l’OMI, et même au sein du système juridique de l’OMC (l’Accord sur l’évaluation en douane, l’Accord sur l’inspection avant expédition et l’Accord sur les règles d’origine contiennent des dispositions relatives aux procédures douanières), et plusieurs organismes tels que le CEFACT-ONU ont élaboré des normes et des recommandations relatives à la facilitation des échanges. En dépit de l’existence de tous ces instruments, les obstacles causés par les procédures administratives sont restés importants. Dès lors, des règles multilatérales s’imposaient comme une démarche nécessaire à la promotion des réformes de la facilitation des échanges et à l’établissement d’un cadre juridiquement contraignant.
Les Communautés européennes ont jugé qu’il était nécessaire de mettre en place un cadre des règles de l’OMC en faisant valoir que «… les solutions proposées par l’ONU, l’OMD et la CNUCED, ainsi que par d’autres organisations, n’ont pas été universellement adoptées par tous les membres de l’OMC, soit en raison de l’absence de volonté politique, soit parce que, dans certains cas, ces solutions ne répondaient pas à des besoins spécifiques ou ne prenaient pas en compte les changements qui se sont produits dans la manière de faire du commerce ou sur le plan technologique» (*2). De son côté, le Canada a estimé que l’OMC pouvait combler les lacunes relevées au niveau des activités des autres organisations, notamment «… déterminer dans quelle mesure les règles de l’OMC pouvaient fournir un cadre d’engagements contraignants pour faciliter le commerce, et dans quelle mesure l’OMC pouvait relancer les discussions techniques et les efforts en matière d’assistance en faveur de tous les Membres». (*3)
Une intégration plus profonde du système commercial multilatéral
L’intérêt croissant des pays à l’égard du renforcement du système commercial multilatéral est un autre facteur qui a contribué à l’inclusion de la question au programme de travail de l’OMC. En fait, avec la conclusion du Cycle d’Uruguay, les 117 membres participants de l’OMC ont créé un cadre juridique général couvrant la plupart des échanges internationaux, impliquant une grande variété de pays, allant des pays industrialisés aux pays les moins avancés. De plus, l’OMC dispose d’un mécanisme de règlement des différends, qui a la capacité de donner une valeur juridique aux règles.
Misant sur les possibilités offertes par le système, certains membres de l’OMC ont plaidé avec insistance pour une plus grande réglementation destinée à traiter certains aspects des régimes réglementaires nationaux, ou ce qu’on appelle les aspects transfrontières. La facilitation des échanges était considérée comme une question d’intégration accrue, au même titre que le commerce et l’investissement, la transparence des marchés publics, et la politique en matière de concurrence. Les quatre nouvelles questions ont été inscrites à l’ordre du jour de l’OMC à la Conférence ministérielle de Singapour, ce qui explique qu’elles soient désignées par le terme «questions de Singapour». Face au refus des pays en développement Membres d’inclure toutes ces questions dans le système de l’OMC, seule la facilitation des échanges a été ajoutée au programme de travail relatif aux négociations, adopté en 2004.
(* 1) Le groupe des membres de l’OMC qui a soutenu les règles multilatérales sur la facilitation des échanges a, par la suite, été connu sous le nom de ‘Groupe du Colorado’. Il comprend des membres de l’OMC tels que l’Australie, le Canada, le Chili, la Colombie, la Corée, le Costa Rica, la CEE (devenu la CE), Hong Kong Chine, la Hongrie, le Japon, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Paraguay, Singapour, la Suisse et les Etats-Unis d’Amérique. Il convient de signaler que les groupes, composés de Membres de l’OMC, sont informels, et que leur composition peut évoluer à tout moment.
(* 2) Organisation mondiale du commerce, Communication des Communautés européennes, 22 septembre 1998 (G/L/122)
(* 3) Organisation mondiale du commerce, la communication du Canada devant le Conseil du commerce des marchandises, 30 septembre 1998 (G/L/126)